2021
Les journées du Patrimoine 2021
LE PATRIMOINE FERROVIAIRE SOUESSOIS D'HIER À AUJOURD'HUI.
A la Fondation Cénac, Les Journées Européennes du Patrimoine furent consacrées les 18 et 19 Septembre au « patrimoine ferroviaire » si important à Soues, dont l’histoire a été profondément marquée par la ligne de chemin de fer puis l’usine Alsthom.
La Commission municipale élargie « Culture et Patrimoine » avait invité les intervenants suivants à exposer chacun une partie de ce vaste sujet :
Jean Paul Pagnoux sur l’impact de la création de la ligne de chemin de fer
José Cubéro sur l’industrialisation du département,
Bernard Compagnet sur l’histoire de l’usine,
Jean François Perrut sur les 3 grèves de 1923, 1936 et 1938,
Jean Michel Delavault, qui anima la table ronde des témoins de la vie de l’usine, Roger Lescoute, Raymond Dupont, Bernard Compagnet et Gilles Vallée,
Enfin, Michel Piton, sur Alstom, aujourd’hui et demain.
Un public nombreux, connaisseur, se pressait pour voir les documents exposés en vitrine, écouter les exposés et intervenir à son tour :
Voici quelques étapes essentielles de 150 ans de notre histoire locale avec le train :
1) La création de la ligne 1859-1862
Sous le Second Empire, la France développe considérablement son réseau ferroviaire qui passe de 6500km en 1851 à 15600km en 1870. Dans les Pyrénées, les stations thermales sont déjà réputées : ainsi en 1859, l’Empereur Napoléon III accompagne l’impératrice Eugénie aux eaux de Saint Sauveur et fait le trajet en train jusqu’à Tarbes via Bordeaux et Morcenx ; ce voyage inaugural marquait l’importance de cette ligne : les travaux de construction vont se poursuivre de Tarbes à Bagnères ; l'Etat acquière les terrains sur l’emprise de la voie et sur le chemin qui la longe ; les acquisitions se sont faites le plus souvent à l’amiable , quelquefois après recours au tribunal , car le prix tient compte de la valeur de la terre, de la dépréciation de la partie restante, et de la parte de récolte.
Car le préjudice est grand pour les propriétaires : la ligne coupe complètement l’accès à leur parcelle, ils doivent contourner par le passage à niveau Nord ou Sud.
La ligne est ouverte en 1862, elle comporte les gares de Bernac Debat, Montgaillard et Bagnères, (d’Ampèrevielle en 1921) ainsi que les « haltes » de Soues et Ordizan.
Ces haltes seront supprimées en 1870 par manque de trafic.
La ligne Morcenx-Bagnères est électrifiée en 1914 ; elle est gérée par la Compagnie des chemins de fer du Midi jusqu’en 1938 date de création de la SNCF.
Le trafic voyageur est fermé en 1971. Les marchandises arrêtent de circuler en 1989.
2) L’industrialisation des Hautes Pyrénées.
Le manque de charbon dans le sous sol de la région, la qualité médiocre des gisements de fer, n’ont pas permis au département de Hautes Pyrénées de participer à la première « révolution industrielle » , celle des forges, de l’acier, sauf la création de l’Arsenal de Tarbes après la guerre de 1870..
Mais la seconde « révolution » celle de l’électricité va marquer notre département : la centrale de Montgaillard alimente Tarbes en électricité depuis 1890 et
Le potentiel de l’hydroélectricité est déjà utilisé en 1906 par 41 microcentrales ; la Compagnie des chemins de fer du Midi, sous l’impulsion de Jean Raoul Paul, va organiser le développement industriel en s’appuyant sur le réseau ferré déjà créé et sur l’énergie électrique issue de la montagne.
Entre autres, les Chaudronneries des Pyrénées à Tarbes vont fournir à partir de 1919 des conduites forcées, l’entreprise Soulé construit des wagons, les Forges et Ateliers des Pyrénées des wagons et du matériel ferroviaire, à Bazet, la société générale d’électrocéramique fournit des isolateurs. A Lannemezan, la Société des produits azotés, filiale d’Ugine, fabrique des engrais ainsi que, à Pierrefitte, la société des phosphates tunisiens.
3) l’usine ; c’est dans ce mouvement que les Constructions électriques de France créent à Séméac et Soues , en 1921, l’usine de fabrication de turbines, d’alternateurs, et de locomotives électriques pour la Compagnie des chemins de fer du Midi, en un temps record : la première locomotive est terminée en Aout 1922 : les ateliers comportent tous les corps de métiers nécessaires à cette fabrication, depuis la fonderie, les pièces d’assemblage, la chaudronnerie, l’appareillage électrique, la traction…l’usine reçoit en Octobre 1922 la visite du Ministre des travaux publics venu saluer et féliciter les ouvriers. L’usine de Séméac-Soues emploie de 1400 à 1700 personnes. Et, en 1932, les Constructions Electriques de France fusionnent avec la Société Alsthom.
En 1939, L'Alsthom vend son usine de Tarbes au Ministère de l'Air qui l'incorpore dans son programme de décentralisation d'usines aéronautiques en la spécialisant dans la fabrication des moteurs Hispano-Suiza.
4) les luttes ouvrières
Rassemblant 1400 à 1700 personnes à majorité ouvrière, et près de 10% d’origine étrangère, l’usine devient très vite un foyer de luttes sociales ; en 1923, c’est la grêve pour la réintégration des 40 ouvriers licenciés par faute de matière première ; le conseil d’administration imposera une sanction très lourde : le licenciement des 240 grévistes. En 1936, les ouvriers occupent l’usine et obtiennent des progressions de salaires : cet accord et cette victoire inspireront les ouvriers de la métallurgie de tout le département qui obtiennent des augmentations. Les ouvriers d’Alsthom deviennent une référence pour les acquis sociaux.
En 1938, c’est une grêve nationale d’une journée : le secrétaire du syndicat, Alfred Nigou, perd son emploi et ne le retrouvera qu’après la guerre. C’est donc une période de relations sociales dures qui marque pour longtemps Soues et Séméac notamment.
5) la guerre 1939-1945 L'activité des ateliers Hispano a été sérieusement perturbée durant les années de guerre, à la suite de l'enlèvement par l'occupant de la presque totalité des machines et installations.
Hispano-Suiza crée une école d’apprentissage. La formation est étalée sur 3 années:
- la première et la deuxième année→ Ajustage.
- la troisième année → Tournage, fraisage et ajustage.
Il y a 25 à 30 diplômés par session durant la période Hispano-Suiza.
Pendant cette période, l’usine fournit des moules de fabrication de carters pour les moteurs d’aviation de l’armée allemande. Les alliés envisagent de la bombarder en risquant de nombreuses victimes civiles autour.
Mais le « Commando Hispano » parvient à réaliser le sabotage sans aucune victime le 15 Avril 1944, stoppant ainsi la production.
6) après guerre, Asthom revient : l’usine emploie de 1400 à 2400 personnes jusqu’en 1973 ; elle développe la chaudronnerie, la fonderie, le département diésel, la traction électrique ; en 1961, l’assemblage des locomotives électriques est opéré à Belfort ; Alsthom reprend la Chaudronnerie des Pyrénées, étend le secteur Traction et le diésel.
L’usine offre de nombreux avantages, une crèche, un médecin, une garde d’enfants, un car de ramassage pour les loisirs des enfants ; un effort est fait sur les conditions de sécurité et le chauffage ; en 1964, les ouvriers obtiennent par la grève un deuxième bleu de travail ; les nombreux grévistes en 1968 défilent tout autour de l’usine puis dans les rues de Tarbes.
A cette époque, les ouvriers reçoivent la paie, en liquide, chaque fin de semaine, jour où l’on se retrouve volontiers après le travail pour un verre dans l’un des nombreux cafés de Soues, Les Charmilles, les palmiers, au soleil levant, chez Raoux, chez Lartigau, chez Bernard…..on n’oubliait pas non plus les grillades à l’usine les jours de départ en vacances !! Ou de faire cuire une oie bien grasse dans un plat en inox fabriqué à la chaudronnerie et tout çà cuit dans une étuve où les odeurs de peinture se mélangeaient !!
7) L’usine de conception
A partir de 1973, les activités de l’usine sont progressivement recentrées vers le système de traction ferroviaire : en 1986, le site regroupe bureaux d’étude, laboratoires pour les convertisseurs de puissance.
A partir des années 1990, le site travaille sur la conception du TGV et se spécialise sur les coffres ou blocs d'équipements électrique, l'électronique de puissance et L'appareillage ; il emploie 1200 personnes puis 700 environ aujourd’hui à majorité d’ingénieurs et techniciens.
L’usine ne travaille plus à partir de la matière première. Les pièces arrivent, que l’on assemble en « blocs » pour aller à l’assemblage général.
L’activité industrielle est ainsi préservée, grâce notamment aux « plateformes d’essai » des blocs moteurs, sur lesquelles sont testées les commandes électroniques, les chaines de tractions qui font de l’usine de Soues un centre mondial d’excellence au niveau de la traction.
8) demain..
Traction à l’hydrogène : Alstom développe cette nouvelle énergie pour le ferroviaire : en résumé, on met en contact de l'hydrogène avec de l'oxygène (de l'air) et grâce aux électrodes qui servent de catalyseur il y a une réaction chimique qui provoque de l'eau et surtout de l’électricité. Pour les engins d'Alstom c'est cette électricité qui est gérée par la chaine de traction et vient alimenter les moteurs électriques. Peu polluant, ce mode de traction semble avoir un bel avenir et, nous l’espérons, l’usine de Soues aussi !!
P.S. pour plus de précisions,
Voir l’ouvrage de José Cubéro « Histoire sociale et industrielle des Hautes Pyrénées » éditions Cairn (Avril 2021)
Voir dans la rubrique patrimoine du site internet Soues.com : la ligne de chemin de fer, à Soues, l’histoire de l’usine Alstom, les grèves de 1923,1936, 1938.