Les Ecoles
Soues aux XIXe et XXe siècles : École et municipalité
par la commission municipale Culture/patrimoine (mandat 2014-2020)
Ces notes donnant les dates-clés de la construction des bâtiments d’école à Soues, prennent leur source dans les archives municipales de Soues, via leur format numérisé par les Archives départementales des Hautes-Pyrénées en 2018.
18 mai 1853 : Achat de la maison des héritiers Fouchou de Soues (qui doit se vendre par licitation). Cette maison en face de l’église est estimée occuper une position centrale dans le village et pouvoir donner de l’agrément à la place publique devant l’église. Elle est assez vaste pour que soient envisagées les constructions d’une belle salle de classe (à l’ouest), et à l’est, voire sur le haut, le logement de l’instituteur et une salle pour le conseil municipal.
9 février 1856 : Demande d’une aide du gouvernement pour la construction dans cette maison Fouchou, de deux salles d’instruction primaire (devis estimatif des travaux 8000 francs, la maison a été achetée 3053.76 francs, il reste dû 564 fr aux héritiers mineurs / Il reste 2182 fr dans la caisse communale).
Il est demandé 4084 francs à l’État (à M. le Ministre de l’instruction publique et des cultes).
Il est également demandé une souscription volontaire aux habitants de Soues pour fournir gratuitement et transporter sur le chantier, les cailloux et le sable nécessaires, ainsi que la pierre de taille, le schiste ardoise, les briques et l’ardoise, le tout évalué par l’architecte à 703.60 fr.
Le conseil municipal demande en sus au préfet et à l’administration forestière de donner à la commune douze arbres chênes vieux et dépérissants, qui se trouvent dans la forêt communale et sont estimés à 550 fr.
Il n’y a plus trace aujourd’hui de cette destination scolaire. Ce bâtiment a eu d’autres destinations, dont la boucherie Cazentre.
11 décembre 1900 : Achat de la maison d’Emile Péré pour construire un groupe scolaire qui remplacera les bâtiments scolaires existants, vieux, vermoulus et tombant de vétusté. Insalubres par leur voisinage du cimetière, ils sont insuffisants puisque outre les deux salles de classe, ils ne comprennent que trois mauvaises pièces en tout pour le logement de l’instituteur et celui de l’institutrice. La valeur de la maison Péré est expertisée à 16 500 fr.
Le conseil municipal vote la demande d’un secours de l’État et un emprunt qui sera gagé par une imposition extraordinaire sur le principal des quatre contributions directes.
C’est aujourd’hui l’emplacement de notre Mairie et de l’école primaire Michel Barrouquère-Theil (avec toutes les évolutions, transformations, extensions de ces bâtiments)
18 juillet 1937 : Subvention de 266 200 francs allouée par arrêté ministériel pour la construction d’un groupe scolaire aux cités ouvrières et l’agrandissement de salles de classes à l’école des filles au village. La dépense prévue au devis estimatif est 606 354 francs.
La part à la charge de la commune s’élève donc à 340 154 francs.
La commune empruntera cette somme au « fonds commun du travail », en sollicitant Monsieur le Ministre du Travail. Elle votera en temps utile les centimes nécessaires au paiement des annuités de l’emprunt.
C’est aujourd’hui l’emplacement de l’Espace Jean-Jaurès, ancienne école Jean-Jaurès (jusqu’en 2014)
3 octobre 1974 : Construction d’une école maternelle
Le principe de la construction d’une école maternelle, avec quatre classes et un logement de fonction avait été évoqué et retenu lors des séances des 9 décembre 1971, 7 juin et 1er septembre 1972.
La dépense évaluée à 1 172 147 francs, sera financée par une subvention d’État de 353 096 francs, une contribution de la commune (inscription au budget supplémentaire de 1974) de 427 243 francs.
Le reliquat de 391 808 francs sera obtenu par voie d’emprunt sur trente annuités constantes.
Notre école maternelle de Soues est aujourd’hui toujours à cet emplacement.
On ne saurait sur la base des documents cités décrire totalement l’édification de nos écoles. Car se sont ajoutés au fil des années et décennies, travaux d’entretien, classes et logements. Dans la masse d’archives des délibérations prises depuis la Révolution et même sous l’Ancien Régime (les archives municipales numérisées débutent en 1760), nous avons pris des pièces ici et là, en prenant pour repères les périodes historiques qui ont jalonné l’existence de l’école dans la volonté du pays d’éduquer la jeunesse.
Et avant ce premier achat de « maison d’école » de 1853,
où en était-on de l’instruction des enfants à Soues ?
Sous l’Ancien régime
Pour avoir une idée de ce qui se passait à la fin du XVIIIe siècle nous disposons des résultats de l’enquête paroissiale, initiée par l’évêque du diocèse en 1783. Celui-ci s’enquiert, en s’adressant au curé, de l’existence d’une école, du lieu où elle se tient, de la personne qui distribue l’enseignement, du nombre de petits garçons et filles qui s’y rendent. Le curé Junca de Soues répond qu’il y a dans la paroisse de Soues un maître d’école sans qu’il y ait aucune fondation pour la place. Que la communauté lui donne trente-neuf livres et chaque écolier deux mesures de grains. Que toute la jeunesse de l’un et l’autre sexe se rend à la même école. Qu’il y a environ 24 garçons et filles qui y vont. Que la communauté a loué une chambre pour y tenir les écoles en attendant qu’elle soit pourvue d’une maison commune.
Comme de la Révolution (1789) à la fin de la IIe République (1852), nous ne pouvons nous appuyer sur des documents précis sur l’instruction primaire à Soues (nous avons des PV d’installation ou de conditions de rémunération d’instituteurs, des années 1834 à 1840, mais c’est tout), nous proposons, pour éclairer les enjeux de l’école, un document d’histoire sur les Hautes-Pyrénées.
Le droit à l’éducation dans les Hautes-Pyrénées
par Geneviève Celhay (service éducatif Archives départementales des Hautes-Pyrénées – Archives, Histoire et Pédagogie 65. N°5 – 2003)
Sous la Révolution (1792-1799)
Alors que l’éducation avait été laissée aux soins jaloux de l’Église, (l’instituteur de Soues qui était aussi chantre, était obligé d’assister aux services divins et d’y prêter ses services les dimanches et jours de fêtes et il recevait ses lettres d’approbation d’un ecclésiastique), la Révolution posa le principe de la responsabilité de l’État en la matière et liquida l’héritage de l’Ancien Régime (en privant les collèges de leurs ressources par la vente des biens ecclésiastiques ainsi qu’en fermant les Écoles militaires et l’Université).
Cependant la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (1789) proclamant les grands principes d’égalité des hommes en droits (article 1), de participation de tous à l’élaboration de la loi (article 6), et de liberté de conscience (article 10), rendait nécessaire l’instauration d’une École élémentaire publique laïque, gratuite et ouverte à tous. Mais la Constituante tarda à légiférer en ce domaine, et, en s’accélérant, les événements révolutionnaires ne permirent pas le vote ou la mise en pratique des projets présentés par Talleyrand en septembre 1791, puis par Condorcet en avril 1792, Lakanal ou Lepeltier en juillet 1793.
Une œuvre est cependant à porter à l’actif de la Convention avec :
L’adoption de la loi Bouquier le 19 décembre 1793 (29 frimaire an II) qui établit l’obligation scolaire pour les garçons et les filles (et envisagea des amendes pour les parents récalcitrants), sa gratuité et sa «liberté», c’est-à-dire la possibilité d’ouvrir des écoles privées.
Le décret Lakanal du 17 novembre 1794 (27 brumaire an III) qui y apporta des aménagements: elle supprima l’obligation mais fixa le chiffre d’une école pour 1000 habitants, un salaire de 1200 livres pour les instituteurs et de 1000 livres pour les institutrices.
La loi du 27 février 1795 (7 ventôse an III) décida que l’enseignement secondaire serait donné concurremment par des collèges et par l’État dans des Écoles centrales au chef-lieu de chaque département.
Mais, lors du reflux révolutionnaire qui suivit la chute des Montagnards, fut adoptée la loi Daunou du 25 octobre 1795 (3 brumaire an IV). Celle-ci revint sur la loi Bouquier : le nombre d’écoles primaires ne sera plus proportionnel à la population, l’instituteur ne recevra plus de traitement et le programme se réduira à l’apprentissage de la lecture, de l’écriture, du calcul et de la morale républicaine. Dans les Écoles centrales, les élèves ne seront plus regroupés par classe. L’enseignement sera divisé en 3 sections dans lesquelles les élèves choisiront les cours qui leur conviendront. On appliquera les recommandations des Lumières en favorisant les études des sciences.
Les grands projets scolaires aboutissent finalement à un échec : un tiers des 26 000 écoles primaires prévues par le décret Bouquier virent le jour, celles-ci ne préparent pas à l’entrée au collège dont l’organisation ne fut pas assez réfléchie. De cette période subsiste surtout un ensemble de grands principes qui guideront les républicains des générations ultérieures: «de Condorcet à Ferry la filiation est complète» écrivit Yves Gaulupeau (historien, directeur du musée national de l’éducation de Rouen).
Sous le Consulat (1799-1804) et l’Empire (1804-1814)
Ils refondent les institutions scolaires dont on dénonçait le manque de rigueur et de discipline. Ils créent les lycées de garçons entretenus par l’État en 1802 (à Tarbes par exemple), les collèges (gérés par les communes ou les particuliers), puis fondent en 1806 l’Université. Mais ils négligent l’école primaire et l’instruction des filles car l’État napoléonien privilégie la formation de ses élites administratives et militaires.
Sous la Restauration (1815-1830) et la Monarchie de Juillet (1830-1848)
Sous la Restauration, l’instruction primaire continue cependant à progresser car la demande publique croît dans les villes, ce qui conduit à introduire la méthode anglaise de « l’enseignement mutuel» qui a recours à des moniteurs, élèves plus avancés dans leurs études, pour diriger des exercices particuliers. Dans les campagnes, la situation scolaire reste proche de celle de l’Ancien Régime. Les écoles du département passent cependant de 124 en 1792 à 533 en 1837.
Sous la Monarchie de juillet, l’État intervient dans l’organisation scolaire (où l’Église et les écoles privées s’étaient développées) par la loi Guizot du 28 juin 1833: les communes sont désormais obligées d’entretenir une école publique si elles dépassent 500 habitants. Y seront enseignés «l’instruction morale et religieuse, la lecture, l’écriture, les éléments de la langue française et du calcul, le système légal des poids et mesures».
Une école normale masculine sera ouverte par département pour améliorer le niveau des maîtres et hausser le niveau d’exigence pour obtenir le Brevet de capacité.
Guizot impose aussi la méthode de l’enseignement simultané, fait rédiger une série de manuels scolaires et crée en 1835 le corps des inspecteurs primaires dont on trouvera des rapports aux Archives départementales des Hautes-Pyrénées. Le nombre d’écoles de ce département augmente rapidement dans les années qui suivent. La part des filles s’accroît, elle aussi.
Une école normale masculine est ouverte à Tarbes dès 1833. En 1845 l’Inspection académique est ouverte «mais ses pouvoirs restent limités car l’école était placée sous la surveillance des pouvoirs locaux (curés, maires, comités cantonaux)» écrit Robert Vié.
Sous la IIe République (1848-1852) et le Second Empire (1852-1870)
La loi Falloux (mars 1850), votée dans le contexte de la réaction qui suivit les émeutes de juin 1848, révoque plus de 4 000 instituteurs en France et renforce le contrôle de l’Église ainsi que ses possibilités d’ouvrir des écoles privées.
En effet, de nombreuses dispenses du Brevet de capacité sont prévues pour les instituteurs congréganistes. «Pour les sœurs, une simple lettre d’obédience fournie par leur supérieure, tient lieu de capacité.» observe Y. Gaulupeau.
Cette loi eut des effets politiques et psychologiques considérables puisqu’elle contribua à cristalliser la rupture entre cléricaux antirépublicains et républicains laïcs.
Enfin, les communes de plus de 800 habitants sont tenues d’ouvrir une école pour les petites filles. Il en résulta une augmentation significative du nombre des écoles, des enfants et des petites filles scolarisées (en 1837 il y avait seulement 7 439 filles scolarisées pour 15 789 garçons dans les Hautes-Pyrénées, mais entre 16 et 18 000 avant 1887).
L’œuvre de la IIIe République (1870-1940)
Après la proclamation de la République en 1870, les républicains arrivés au pouvoir en 1879, ressentirent le besoin d’ancrer le nouveau régime en proclamant les libertés fondamentales et en refondant le système éducatif. Aux intentions civiques vinrent s’ajouter les nécessités de réarmer le pays après la défaite de 1870 et de répondre aux besoins de la Révolution industrielle en ouvriers qualifiés, ingénieurs, chercheurs…
L’enseignement primaire est profondément remanié par les lois de juin 1881 (gratuité), mars 1882 (laïcité et obligation scolaire). La formation des maîtres est assurée par la loi Paul Bert (9 août 1879) qui impose à chaque département d’entretenir une école normale pour les garçons et pour les filles.
Le département possédait déjà ces deux écoles. Celle des garçons avait été créée dès 1833 à Tarbes et les Sœurs de la Croix avaient ouvert des Cours normaux à Bagnères. Ceux-ci ne donnaient satisfaction ni par leur orientation ni par le niveau de la formation assurée. Après des négociations avec le Gers, une école normale est ouverte à Tarbes pour les jeunes filles de ces deux départements en septembre 1883, et la formation des garçons se déplace à Auch. Les enseignants sont désormais formés par les Écoles Normales Supérieures Primaires de Fontenay (pour les filles, fondée en 1880) et de St-Cloud (pour les garçons depuis 1881). Les effectifs scolaires augmentent donc rapidement, mais cet essor est assez peu sensible dans le département dont beaucoup d’élèves étaient déjà accueillis comme «indigents». L’assiduité scolaire y progresse, par contre, plus nettement comme le remarque le rapport d’inspection de 1899.
Une législation de moindre ampleur concerne l’enseignement professionnel. Les lois du 11 décembre 1880 sur les écoles manuelles d’apprentissage prévoient une formation générale et professionnelle qui préparent à la fois les futurs techniciens et le concours d’entrée aux Écoles des Arts et Métiers qui s’étaient progressivement ouvertes depuis 1806. Certaines furent amenées à se spécialiser dans cette fonction alors que d’autres devinrent des Écoles Pratiques de Commerce et d’Industrie dont les statuts furent fixés par la loi de finances du 26 janvier 1892. Tarbes en ouvrit une, en 1906, pour les garçons, et une autre pour les filles, en 1928 seulement.
L’enseignement secondaire existe pour les garçons depuis la fondation des lycées par Napoléon Bonaparte en 1802, mais il fait encore une très large place à la mémoire et aux études classiques. La loi du 12 août 1882 allège les études latines pour faire une plus large place aux sciences, langues vivantes et à la langue française elle-même. Le décret du 4 août 1881 crée un enseignement secondaire «spécial» tourné vers les humanités modernes (français, langues étrangères et sciences). Pour les jeunes filles tout était à faire et Jules Ferry est stimulé par le désir de les retirer des influences traditionnelles et cléricales.
La loi du 21 décembre 1880 prescrivit donc la création d’externats auxquels les municipalités pouvaient adjoindre, sous leur responsabilité, des internats. On doit y enseigner la morale, ainsi dissociée de l’enseignement religieux qui sera donné sous forme de cours spéciaux par des aumôniers, pas de latin, peu de sciences, mais la littérature classique et les langues vivantes. Le cursus, réduit à 5 années (au lieu de 7 pour les garçons), ne conduit donc pas au baccalauréat mais à un certificat d’études qui ne donne donc pas accès à l’Université.
La ville de Tarbes réagit très vite puisque son Collège de Jeunes Filles ouvre ses portes dès le 1er octobre 1884 dans les locaux de l’actuel Collège Desaix. Il ne comprend alors que 4 niveaux d’études, cependant le Conseil municipal projette dès 1887 de le transformer en Lycée. Ce souhait ne sera réalisé qu’en 1947, et son nom de Marie-Curie ne sera officialisé qu’en 1962! Pourtant une préparation au baccalauréat avait été progressivement mise en place au début des années 30. Le contenu de l’enseignement, délibérément «.moderne.» à sa création, est aligné sur celui des garçons par le décret du 25 mars 1924. Plus rien ne distingue les deux enseignements, hormis quelques cours de couture.
La loi du 26 juillet 1881 complète cette législation en prévoyant la création d’une École normale spécialement destinée à la formation des professeurs femmes pour les lycées et collèges de jeunes filles (École de Sèvres). On mesure ainsi le rôle primordial qu’eut la politique scolaire de la IIIe République dans la marche vers l’égalité des sexes. Grâce à elle, les petites filles, puis les jeunes filles, purent accéder aux connaissances fondamentales et acquérir ensuite une formation professionnelle dans les écoles pratiques, les écoles normales ou à l’École Normale Supérieure. Elles furent désormais en mesure de subvenir seules à leurs propres besoins. Cependant les inégalités de ressources financières empêchaient certains enfants de poursuivre leurs études aussi longtemps qu’ils l’auraient souhaité.
La Ve République et la démocratisation de l’enseignement (1959…)
La démocratisation commence sous la IIIe République (gratuité de l’enseignement secondaire progressivement mise en place à partir de 1930, allongement de la scolarité à 14 ans en 1936), mais c’est surtout la Ve République qui agit en ce sens.
En effet, les rigidités d’un système destiné à former des élites s’assouplissent progressivement avec l’allongement de l’obligation scolaire (portée à 16 ans en 1959) et la réforme Fouchet (1963) qui crée les CES pour regrouper toutes les formations post-élémentaires concernant les 11-15 ans. Ce collège unifié conduit à trois types de lycées (classiques et modernes, techniques, professionnels). La démocratisation conduit J-P. Chevènement à décider d’amener 80 % des enfants d’une classe d’âge au baccalauréat. Dès les années 60, on s’aperçoit cependant que ces réformes de structure ne garantissent pas l’égalité des chances, (des facteurs socioprofessionnels jouant un grand rôle dans les orientations des élèves) et que, d’autre part, la démocratisation de l’enseignement débouche sur une massification de l’instruction, créant des problèmes qui sont au centre des débats de la société contemporaine, comme ceux du XIXe siècle l’avaient été en leur temps.
Recherches effectuées par Madame Michèle PAMBRUN-PAILLARD